jeudi 18 août 2011

scandale ou exemplarité

Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'école, deux tendances s'expriment fréquemment chez les experts (ou auto-proclamés experts), savants ou même les médias : la démonstration du scandale d'une part le plus souvent assortie d'exemples visant à démontrer la faillite du système et d'autre part l'exemplarité de modèles trouvés par exemple hors du territoire national visant à nous démontrer qu'il existerait une solution efficace et transposable à nos difficultés.
On perçoit très vite le risque de représentations réductrices, l'enfermement que le clivage dénonciateur engendre quand il bloque la possibilité de dialoguer sereinement et de construire ensemble (obligation faite notamment aux maîtres qui doivent inscrire leur action dans la continuité et penser parcours de l'élève). A l'heure où les idéologies sont censées être tombées ni la dénonciation systématique ("c'est la faute à..."), ni la "solution miracle" (" y'a qu'à faut qu'on") c'est à dire ni la déresponsabilisation qu'autorise l'accusation et le report de la faute sur autrui ni la responsabilisation univoque des personnes ("vous n'avez qu'à faire comme ça puisque ça existe ailleurs) ne sauraient aider à un réel progrès.
Chaque modèle y compris en pédagogie, doit se construire de l'intérieur et s'éprouver selon le contexte (essayer avec prudence, mesurer un progrès)... ce qui ne veut pas dire s'exonérer de questions ou d'exigences externes (l'évaluation, les objectifs d'apprentissage à atteindre pour tous, nos représentations de ces apprentissages et du cheminement de l'élève qui apprend)  et encore moins refuser de s'ouvrir à l'analyse de ce qui fait ailleurs...
Où l'on pense en écho à toute l'ambiguïté de la liberté pédagogique voulue par la Loi de 2005.

mercredi 17 août 2011

une odeur de rentrée...

Il faut bien le constater, il flotte ce matin une légère odeur de rentrée... et l'envie de reprendre l'écriture de ce blog.
C'est comme allumer un feu. On cherche du petit bois pour sa pensée, on se demande si cela va prendre, si le feu va tenir...
Écrit-on autrement selon l'endroit où l'on se trouve ? Pense-t-on autrement ?
La fenêtre est ouverte côté Est et soleil, fraicheur matinale, la montagne veille toute proche, le voisin arrose ses tomates, le chaton me miaule un discours que je décrypte mal...
Entouré des livres transportés dans la nouvelle maison, tasse de thé rassurante à main gauche, clavier et écran bien calés sur la table,  je pensais ce matin tout à la fois à la rentrée et mon envie écolière de cahiers neufs et de stylos mais aussi à la bibliothèque justement, tous ces livres dont je mesure à quel point ils m'auraient manqué si le déménagement s'était définitivement perdu, à Emilie Carles dont j'ai relu l'histoire ( institutrice et paysanne, je ne me souvenais pas qu'elle parlait aussi peu de l'école et de son métier finalement) ou bien à l'illettrisme contre lequel il faudrait mener croisade à l'instar d'un obscurantisme (et ce faisant je retombais forcément sur "L'invention de l'illettrisme" de Bernard Lahire - que le lecteur fasse le détour si ce n'est pas fait), lecture que je croiserais volontiers avec l'opuscule vivifiant (quoiqu'un peu trop brillant même s'il se sauve d'auto-dérision) "Du bon usage des catastrophes" signé par Régis Debray...
Et de me dire ce matin, que plutôt que chasser l'illettré comme certains bergers d'ici aimeraient chasser le loup, il ne serait pas mauvais que l'impétrant professeur des écoles vienne vivre une semaine dans une famille où l'on se passe de livres...
Il découvrirait avec surprise que le "pauvre"n'est peut-être pas si seul et que des cadres "très supérieurs" ne lisent plus que quelques rapports d'entreprise... mais il apprendrait surtout l'étonnante expérience de se trouver seul avec ses livres au milieu de non lecteurs dont l'histoire personnelle, si elle mérite qu'on s'y attarde un peu, ne saurait se considérer avec condescendance.
Il ne s'agit pas de déraciner l'illettré et de le transplanter dans notre monde pour le convaincre d'abandonner le sien, - dire illettré est à peu près aussi juste que d'employer le terme générique de handicapé - mais peut-être plus de rencontres partagées et de lui proposer d'apprendre, avec respect, dignité, en l'invitant aussi à transmettre...
Je connais bien des illettrés qui ont construit leur maison de leurs propres mains. Percer un trou dans le mur est déjà un exploit pour moi qui en ferait rire plus d'un.
L'homme du "socle commun" devrait pouvoir choisir d'exercer ses talents dans diverses directions, il devrait savoir monter un mur comme écrire un poème à sa belle, oser et savoir chanter comme comprendre le système économique, trouver une information sur le net comme décrypter l'histoire géologique de la colline voisine... ses préférences ne devraient pas lui être dictées par ses appartenances d'origine mais par sa capacité à s'émanciper, fournir les efforts nécessaires, imaginer, conjuguer le développement de sa personnalité avec des échanges ouverts et librement consentis avec ses pairs... On a de bien étranges pensées parfois le matin. Et je pense à tous ces élèves inquiets déjà de rentrer à l'école, qui aimeraient bien apprendre même s'ils ne savent pas toujours ce qu'il faudrait apprendre et comment et pourquoi... Oser l'inutile pour aller à l'essentiel, disposer du droit de décrypter ce qu'il y a sous cette langue étrangère de l'école... De bien étranges pensées...