dimanche 25 septembre 2011

de la lecture...

Quelques remarques : 
Nous enseignons en classe donc collectivement, un exercice qui doit au final se conduire seul. 

La lecture exige un apprentissage de la solitude, une capacité à se retrouver avec soi-même et tenir son but. En cela elle dérange, surtout si on la confond avec l'individualisme.

La lecture exige de dégager du temps, de ce temps décroché du Monde qui n'appartient qu'au lecteur. 
Le maître qui assure être pressé par les programmes ne concèdera que rarement un temps significatif à la lecture en classe : la sienne aux élèves,  la sienne devant les élèves... puis du temps à chacun pour lire et pas seulement à l'élève rapide et victorieux des exercices à produire  ... (Cette aptitude qu'ont certains élèves à faire vite et bien pour aller vite retrouver les livres... luxe qui doit sa part au déterminisme social et récompense toujours les mêmes, accentue la fracture sociale et culturelle avec les autres...). 

Lire en classe ce n'est souvent que lire pour répondre à un questionnaire écrit ou oral dans un temps balisé et guidé à l'extrême...

Le vrai lecteur est profondément libre, émancipé de la nécessité d'avoir à rendre compte, il doit pouvoir et savoir choisir.
On enseigne peu à choisir. 
On parle beaucoup d'autonomie à l'école pour constater souvent que l'élève "manque d'autonomie", on enseigne rarement le chemin qui mène à l'autonomie... 

Inquiets de voir des élèves absorbés et débordés par le décodage en lecture, nous avons axé nos objectifs sur ce point laissant sur le côté la compréhension ou pensant ne pouvoir la traiter que "plus tard" (tu comprendras quand tu seras grand).
La "basse mécanique" du décodage ne mérite pas l'opprobre, elle  peut même être ludique, utile à intégrer les régularités de la langue pour peu que l'on ne mente pas aux enfants en voulant à tout prix faire simple (le problème des lettres muettes qu'un "étapisme" mal venu veut masquer), elle - cette pratique du décodage -  peut encore aider à intégrer l'orthographe lexicale... 

Celles et ceux qui par chance,  ont eu très tôt la fréquentation facile des textes ont  su contre la doxa environnante se dispenser de la mécanique répétitive ou même de l'école pour apprendre à lire (c.f. le jeune Sartre et l'apprentissage de la lecture ), mais ils sont rares et arriveront en général à l'école déjà très outillés...

Un peu plus loin, nous avons pensé "lexique"(travailler le lexique chaque jour et dès le plus jeune âge) , puisqu'il fallait pouvoir référer la pensée à un "dictionnaire mental", puis éclairés par les évaluations nous sommes revenus sur la compréhension et le lien à l'écriture.

Travailler la compréhension à l'école primaire ( et au collège), reste souvent pour les maîtres user du "questionnaire", lequel ne fait rien qu'aider à vérifier cette compréhension mais n'enseigne pas à comprendre un texte...
Ce qui nous conduit à développer chez l'apprenti lecteur l'attitude experte qui consiste à savoir lever les pierres, chasser les implicites, éclairer à l'aune culturelle et par dessus tout aider le jeune lecteur à reconnaître et faire du lien. 
C'est ce travail qui nous incombe dès l'école maternelle.

Avec en arrière plan, la lancinante inquiétude d'un enseignement transmis par des maîtres qui ne sont peut-être plus lecteurs d’œuvres eux-mêmes... Il faudra penser à réalimenter leur curiosité...

Les approches utilitaristes de la lecture sont réductrices. La lecture sera toujours l'objet de vifs débats et d'abord parce qu'elle est intrinsèquement subversive et émancipatrice.
Contre l'opinion faite, il reste encore beaucoup à inventer et innover en matière d'enseignement de la lecture. Un enseignement qui se penserait dans une approche plus systémique et oserait la perspective du socle commun...