samedi 10 décembre 2011

l'école est le reflet de la Société

Il n'est pas une réunion où l'on n'entende cette antienne : l'école est le reflet de la Société.
L'école perméable aux évolutions du siècle connaitrait un ensemble de difficultés liées au contexte social, à la crise, au manque de repères, à la violence... 
L'une des difficultés d'enseigner aujourd'hui tiendrait à cette évolution qui rendrait les élèves moins faciles à éduquer, plus hétérogènes, moins motivés, moins soumis à l'autorité des maîtres... Ces derniers tenteraient d'enseigner ce qu'ils peuvent contre un Monde dont les valeurs s'opposeraient à celles de l'école : perte du sens de l'effort, consumérisme, médiacratie soumise à la dictature de l'image et de la vitesse... Chacun complètera... 
Tout cela s'accompagne de constats regrettant un âge d'or où cela aurait été plus facile... Ce qui forcément nous montre la faiblesse de notre mémoire : les instituteurs de Jules Ferry devaient parfois aller chercher eux-mêmes les petits paysans dans des familles qui ne voyaient guère l'intérêt de l'école, en 1960 un élève sur deux seulement allait en sixième... en 1997 seulement un actif sur quatre possédait le bac...
L'un des réflexes peut-être d'en vouloir alors à la massification et de proposer de revenir à un enseignement orienté selon la classe sociale d'origine. Des projets sont déjà concoctés dans des marmites politiciennes dont la sauce est gâtée par un fiel de la pire espèce... 
L'école est une étrange institution qui n'est pas que scolaire : sociale elle est à la fois lieu d'unification (tous les citoyens sont appelés en théorie à y passer) et de différenciation (chacun doit pouvoir s'émanciper de son contexte d'origine et se révéler dans son propre talent)... 
Les maîtres posent souvent que les préalables nécessaires à une bonne scolarité des enfants qui leurs sont confiés ne sont plus assurés. A l'inverse, d'autres désigneraient volontiers l'école et ses maîtres comme les grands coupables où le manque de volonté et de courage en n'osant plus imposer un cadre rigoureux permettant seul la transmission effective des connaissances rendraient impossible une évolution positive.
Chacun pétri de moraline trouvera bien son coupable ou pire encore renoncera face à l'ampleur supposée de la tâche... Nombreux dans les écoles sont les maîtres et les élèves à ne plus être heureux, à se sentir fatigués et les mises en tension successives d'un pilotage politique aux intentions à la fois erratiques et idéologiques n'ont pas facilité la lisibilité... 
"C'est bien complexe" disent les plus volontaires et ce que tentent les uns et les autres s'exerce souvent sur le territoire local...
Il n'empêche qu'affirmer que l'école est le reflet de la Société, c'est peut-être oublier que la Société est aussi le reflet de l'école et que les troubles de l'une nourrissent l'autre. L'école n'agit pas seulement pour servir le Monde, elle s'adresse aux personnes et agit à son tour sur le Monde... Elle doit permettre la rencontre, elle doit aider chacun d'entre nous à oser s'émanciper de son destin, à choisir...
L'école reste cet espace unique qui fait le pari de l'éducabilité, de l'intelligence pour tous... En ce sens elle doit oser dire qu'elle veut aider d'abord le plus fragile, elle doit minute après minute s'interroger sur l'exclusion qu'elle fabrique ou alimente elle-même et qui commence dès lors que l'école parle aux élèves et aux parents...

Sans culpabiliser, il s'agit d'apprendre à se regarder en face. La Société n'est pas un animal extérieur à nous mêmes : la regarder avec amertume ne sert pas à grand chose, il n'y aura pas de transformation magique. L'intention politique nous aidera mais aussi notre propre prise de conscience. En cela l'école d'aujourd'hui conserve un cousinage avec celle de Jules Ferry : il y eut une volonté forte qui s'exprima non sans difficulté depuis Guizot... mais il y eut aussi et surtout des femmes et des hommes, acteurs convaincus du quotidien qui croyaient dans la science, le progrès, la rationalité, la solidarité... Sans la force de cette volonté individuelle, le projet collectif aurait vite capoté...
Si de nouveaux chemins sont à trouver et qui s'expriment déjà, ce n'est que par cet engagement militant au sens noble du terme, alliant pragmatisme et valeurs que l'école retrouvera sa pleine place.