dimanche 7 octobre 2012

Les deux passagers clandestins de la salle de classe

Vous ne les voyez pas et pour cause.
Lovés bien au chaud dans la salle de classe, ils sont discrets et souriants, les plus calmes, les plus conciliants.
Point d'attitude inopportune ou de bavardage intempestif.
Jamais ils ne viendront s'opposer au scénario pédagogique que vous avez déroulé tranquillement ce dimanche pour votre classe. Bien au contraire. Ils en sont les alliés fidèles, les facilitateurs...
En apparence.
Le premier se nomme Implicite.
Des deux il est le plus discret. Il fait justement silence. Il est celui sur lequel on glisse, évasif, comme s'il allait de soi.
On ne sait pas bien dire ce que son impassibilité cache : quelque trou sombre, un obstacle didactique planqué sous le tapis du discours scolaire.
Il est du genre à acquiescer, il ne s'oppose en rien. Il n'oserait jamais.
Il faut laisser entendre que l'on sait parce qu'il semble qu'il est évident qu'autour de soi ici tout le monde sait. On ne va tout de même pas tout expliquer, ce serait ridicule et malvenu.
Et ce d'autant plus que devant, se la ramène plus joyeuse mademoiselle Connivence.

La Connivence justement elle est au courant. Elle voit très bien ce à quoi le maître veut en venir. Elle lève la main parce qu'elle a reconnu ce dont on parle. Elle en sait déjà long sur la question. Elle se souvient qu'avec Madame la maîtresse d'avant on en avait causé. Ou bien qu'elle a lu ça à la maison  sur les genoux de son papa. Elle voit très bien de quoi l'on cause.
Elle est bien consciente en plus qu'elle a sauvé le maître, parce qu' "elle" se souvient, elle sait au nom des autres, elle a compris ou elle raisonne au nom des autres, ce qu'elle articule aussi clairement, elle le fait en porte parole courageuse, si elle a compris c'est que le scénario était bon...
Et les autres, tous les autres feront "oui" de la tête, doctement.
- "Oui, oui, nous aussi nous nous souvenons. "
Et le maître reprenant confiance dans son joli dispositif pédagogique peut enfin enchaîner l'étape suivante de la séance.
Distribution d'un document.
- "Vous voyez-bien ? "
- "Vous allez devoir."
- "Qui lit la consigne ? "
- "Vous avez cinq minutes."
Il faudrait du courage pour dire que l'on n'a pas compris. S'exposer face aux autres.

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"Mais alors que faire ? "  dit alors le maître soudain conscient de l'artifice.
Il lui faudra aussi un peu de courage. La remise en question vous chatouille parfois désagréablement. Comme avant c'était mieux forcément qu'on est des enseignants pas des éducateurs, ne serait-ce pas la faute aux parents ?
 Non, non, ami professeur : dans l'espace protégé qui est celui de ta classe, tu peux agir (préfère le faire de conserve avec tes collègues, plus de chance de gagner, range donc un peu pudeur et orgueil et chemine donc ...)

Que te faut-il ? 
Petit a : se munir d'un tromblon bien graissé et partir à la chasse à l'implicite.

La chasse à l'implicite est têtue : elle exige des preuves, qu'on dise la vérité, ce que l'on entend par là... elle veut savoir ce qui a conduit à ce résultat. La chasse à l'implicite donne les clés du savoir.
Elle met un mouchoir sur la bouche de la Connivence, non pour l'étouffer mais pour laisser les autres un peu chercher...

Et surtout.
Plutôt que de convoquer des savoirs extérieurs réservés au "happy few" , voici le maître qui fabrique de la culture commune.

Du sens dans la chasse à l'implicite.

De la culture commune dans la chasse à la connivence - c'était le petit b - on ne reste pas bouche bée devant la connivence - on se fiche de son joli col blanc et de sa jupe plissée.
Débusquer la connivence en allant se référer tous ensemble à un patrimoine culturel exploré,  construit et partagé au sein même de l'école, un patrimoine imaginé comme un joli parcours au fil des temps, depuis la petite section s'il vous plaît.

La rencontre des œuvres et des auteurs, la manipulation précoce de cette langue scolaire, langue étrange qui navigue entre la langue de proximité causée dans les chaumières et la langue des livres.
Car il ne s'agit pas de renvoyer les têtes blondes, brunes ou rousses à leur destin, mais d'oser les en émanciper en leur offrant du savoureux savoir.

Sens et Culture doivent donc se substituer à Implicite et Connivence.
Oui, l'école a beaucoup à enseigner !


samedi 22 septembre 2012

Quelques paradoxes avec les TICE

Quelques réflexions avec un angle d'attaque un peu différent de mon précédent post à l'aune de divers échanges dont des discussions croisées avec des représentants de collectivités locales et des responsables de l’Éducation...

Nous parlions  volontiers de « fracture numérique ». Celui qui pouvait s'équiper et celui qui ne pouvait pas...
Le rapport du Haut Comité de l'Education nous disait déjà en 2010 que  «  77 % des 12-17 ans se connectent tous les jours à Internet et 90 % d’entre eux se déclarent « compétents » en matière d’usage des technologies de l’information ».
Avec la diffusion forte des smartphones et autres tablettes, nul doute que la tendance se sera poursuivie à la hausse.Dans certains départements y compris ruraux, on sait que près de 90 % des familles disposent d'un accès à l'Internet.
Nombre de jeunes passent plus de temps sur le net que devant la télévision et l'on observe même le développement d'une tendance mêlant télévision et Internet (notamment via les réseaux sociaux).

Premier paradoxe : nous nous inquiétons peu de la fracture verticale qui fait que certains restent encore coupés du net. Rares sont ceux qui le font avec une volonté réelle (comme ailleurs d'autres font le choix de ne pas avoir la télévision). Ainsi, lorsqu'un professeur prescrit un travail à ses élèves via Internet, il peut contribuer à accroître les écarts s'il ne s'assure pas au départ de l'accès de tous ses élèves au net.

Deuxième paradoxe : nous voulons que nos élèves accèdent à l'Internet mais nous considérons souvent que l'usage qu'ils en font principalement n'est ni vertueux ni pertinent. En réalité, nous n'avons guère confiance dans ce média et les contenus qu'il propose... puissions-nous exercer le même regard critique vis à vis des manuels papier et de leur contenu ! Au demeurant, cette posture d'une acceptation « filtrée » ou « sélective » peut nous priver souvent du moteur formidable qu'il y aurait à relier l'école au Monde... non pas que ce qui viendrait de la vie en mouvement du dehors serait meilleur... mais justement parce qu'il serait possible d'ouvrir de nouvelles fenêtres et surtout de s'inscrire dans une logique d'intelligence partagée.

Autre paradoxe, l'examen des ressources à disposition sur le net, qu'elles soient éducatives ou culturelles (portées par des établissements culturels par exemple) nous montre que l'offre est déjà riche mais que le milieu scolaire les utilise modestement. Il y a certainement un travail à conduire pour mieux articuler le repérage de ces ressources et leur utilisation aux programmes ou aux intentions pédagogiques.

Le quatrième paradoxe tient dans ce que d'aucuns décrivent comme un sous équipement matériel d'une part (en particulier dans le premier degré) , un différentiel d'investissement fort et la sous utilisation de fait de l'existant.
Magnifiques tableaux numériques dormant sous la poussière, salles informatiques qui deviennent des salles de réunion... nous en connaissons tous...
Les espaces numériques de travail, ne sont pas toujours utilisés à bon escient et des établissements de même envergure et moyens peuvent très bien l'un avoir un usage dynamique et quotidien de ce support tandis que l'autre le réservera à la publication épisodique de quelques notes.

On sait encore qu'il ne suffit pas d'équiper chaque élève pour garantir un usage effectif du numérique au service des apprentissages. Sont-elles de simples anecdotes ? On entend la description de revente de portables acquis par les collectivités sur « E-Bay » ou le développement des pratiques ludiques des élèves au déficit du travail scolaire... et voici les machines qui deviennent obstacle et non une aide aux apprentissages en particulier pour le travail personnel ! Sauf... une nouvelle fois pour les familles culturellement favorisées …

Ajoutons dans la collection de paradoxes, celui des compétences des enseignants : on regrette là le manque de « référent » ou de « personne ressource » pour partager ses compétences avec ses collègues... mais on se rend compte qu'une « spécialisation » des uns diminue souvent encore l'engagement des autres... moment terrible où le départ du « passionné » aboutit à l'abandon des machines.

Lorsque les infrastructures sont là, la technique est aussi fragile qu'une mise à jour... le diable se loge dans les détails et de magnifiques équipements peuvent être rejetés dès lors que « ça coince ». 
On a mis beaucoup d'argent dans les équipements, on pense moins volontiers à la maintenance et au renouvellement.

Le système éducatif a posé depuis quelques années des injonctions : le socle commun et son pilier dédié, les certifications que sont le B2i ou le C2i et pourtant tout fonctionne comme si la pratique numérique reposait encore sur le seul bon vouloir individuel du professeur souvent encore isolé dans son école ou son établissement...
L'usage au quotidien du numérique ne peut s'imaginer sans questionner les pratiques pédagogiques.
Si le TNI peut parfois favoriser des pratiques magistrales, la classe numérique et le tableau numérique, tout comme les objets à venir (tablettes, écrans tactiles etc.) doivent se penser dans une approche qui intègre les approches différenciées et le détour pédagogique dès l'amont.

C'est peut-être ce qui fait obstacle au développement réel du numérique, plus subversif qu'il n'y parait au premier abord ! 

Cela suppose que l'éditeur de ressources ne se contente pas de proposer de l'exercice en ligne ou de décliner ses manuels sans autoriser une action du professionnel, cela suppose des applications capables de garder mémoire de l'activité de l'élève, cela suppose que l'on accepte une réelle mise en communication...
Mais il est vrai que l'éditeur mû surtout par l'idée de vendre ne mesure pas encore des attentes … qui restent pour la plupart à inventer.
Utiliser le numérique à l'école ne peut se faire en le vivant comme un simple plus, un accessoire, une plus-value possible une fois seulement « le reste » accompli, mais bien en s'interrogeant sur la pertinence de l'outil et en quoi il modifie les façons de penser...

Et c'est encore ce paradoxe ou cette difficulté, de la nécessité de poser des principes et une stratégie, alors même que le numérique est en quelque sorte un objet instable, évolutif et dont les traductions technologiques d'aujourd'hui pourraient sembler obsolètes demain matin.
Nous sommes au cœur d'une révolution où il est difficile de théoriser parce que les repères bougent au fil de l'eau.
Le bateau peut tenir si nous veillons à penser « sens » et « valeurs ».
Cela passe probablement par la définition de projets partagés, réalistes, définissant le rôle de chacun.
Il faut tout en acceptant que les choses bougent et vont bouger, rechercher la cohésion : associer élus, parents, décideurs, éditeurs, enseignants et élèves autour de la question du numérique pour en faire une question culturelle et citoyenne...
à suivre !

dimanche 9 septembre 2012

refonder les TICE ?


Parler des TICE dans le premier degré en France, c'est évoquer une disparité d'usages, de ressources, d'accessibilité au numérique et même de représentations de ce que l'on peut entendre par "techniques de l'information et de la communication à l'écoles", TICE tour à tour TIC ou même TUIC lorsque vient s'ajouter le "U"de usuelles...

Un pilier du socle commun, une certification distincte mise à jour il y a peu, le B2i école, suivi du B2i collège et adultes ... puis du C2i "classique" et "enseignant"... 
On dirait un peu une série d'options pour des automobiles. 

Ces certifications cachent elles mêmes une grande disparité de niveaux réels et d'approches... dans certains cas on rejoint une validation de type sommatif tandis qu'ailleurs on sait valider des compétences acquises au fil de l'eau au sein des différents apprentissages... Passons sur le contenu même de ces certifications qui peut prêter à discussions...

Là, "discipline" plus proche du "techno" que de "l'information", ailleurs approchée "transversalement", on parle d'elle en disant plus souvent "l'informatique" que "le numérique" et  les professeurs trouvent mille obstacles pour que sa pratique réelle ne soit vue qu'en annexe, lorsque c'est possible, en complément des apprentissages "classiques". 
Il faut du matériel opérationnel, de bonnes ressources, respecter un cahier des charges... du savoir faire "technique" et "pédagogique"...

Une tension perdure entre un temps où l'école donnait  sa version d'un savoir qu'elle dispensait pratiquement seule et une époque où l'on nous dit que "toute la connaissance" serait sur l'Internet et qu'il suffirait d'apprendre à "bien choisir" et "s'orienter sur le net"...

Plus loin, les approches "utilitaires" nous disent qu'il n'y a plus un métier qui ne s'appuie sur l'outil numérique et que "la fracture numérique" doit être compensée grâce à l'école d'où la naissance de projets comme ceux des écoles numériques rurales où classe mobile et tableau numérique interactif sont venus en principe se substituer à la "salle informatique" ...

Pendant ce temps réseaux sociaux et tablettes numériques pointent le bout de leur nez et l'on parle déjà pour le premier degré "d'espaces numériques de travail" alors que le second degré n'a pas fini sa mue, que la formation des maîtres ou les sites institutionnels de l'éducation nationale expérimentent avec plus ou moins de succès plates formes collaboratives et formation à distance...

C'est un peu comme s'il s'agissait de courir après un train ultra rapide ne cessant de changer de forme... et interdisant de fait de sauter dedans...

Penser outil c'est déjà être en retard et risquer de devenir "vassal" des industriels. Penser seulement "connaissances" ne suffit pas. 

Refonder la pratique des TICE à l'école ne peut se faire sans s'intéresser aux concepts, aux évolutions sur la manière de penser, de se penser et de produire de l'intelligence, sans non plus poser un cadre éthique.

Depuis quelques années, c'est à l'occasion du salon EDUCATICE que se retrouvent les animateurs du numérique dans le premier degré, parmi lesquels des inspecteurs missionnés autour de la question des TICE dans chaque département. 
Le lien avec l'activité économique est évident et l'on peut s'interroger de savoir si une bonne part de l'impulsion donnée par les gouvernements précédents en matière d'informatique à l'école, n'avait pas surtout vocation à favoriser l'économie... ce qui ne serait pas indigne si plus loin on s'était interrogé vraiment sur ce que l'on voulait faire, avec qui et pourquoi...

On a ainsi précipité du matériel dans des écoles avant d'en imaginer des usages, cas flagrant du TNI et désolant du manuel numérique qui conduisit souvent à ne diffuser que des versions numérisées de manuels papier ou des exerciceurs d'intérêt inégal... 

Nous voici donc dans une course un peu échevelée, entendant parfois d'une oreille distraite les échos de Joël de Rosnay lorsqu'il évoque l'homme symbiotique ... 
Pourtant à quel moment les enseignants ont-ils été conduits à s'interroger vraiment sur les conséquences de l'hypertexte ou de l'hyperlien quant à la façon de naviguer dans un texte puis de chercher l'information, de la ranger ? .. et l'on pensera aussi aux algorithmes des moteurs de recherche qui secouent un peu notre vision française très cartésienne avec notre construction hiérarchisée en dossiers et sous dossiers porteurs d'étiquettes et de sous étiquettes... hiérarchie de l'information qui se fait à présent par la fréquence à laquelle on y a recours  et par les liens créés...Comment cela ne peut-il pas modifier notre façon de penser ?

 A quel moment les professeurs ont-ils pu s'interroger sur ce que l'on nomme "le cloud" ou nuage et à l'intelligence partagée, c'est à dire à tout ce que nous déposons "à distance" et mettons en partage ouvert ou discret à l'ombre de machines éloignées à la fois fragiles mais à la fois incapables d'oubli...

A quel moment nous interrogeons nous quant à l'impact du tactile et des objets du quotidien qui nous relient physiquement à l'information en mêlant réel, représentation du réel, interactions croisées ....

 Tout cela venant en écho à ce combat que décrit Joël de Rosnay entre "pronétaires" et "vectorialistes" (c'est à dire entre citoyens du net, acteurs conscients) et groupes d'influence animés par le pouvoir de l'argent...

Nous versons probablement dans d'autres façons de penser, de nous penser et d'avancer dans une Société tout à la fois cloisonnée en petits cercles (les amis, la famille, le groupe, les autres...) et ouverte à l'urgence du "Monde" à ce qui fera "le Buzz" pour des raisons bonnes ou mauvaises...

Il ne s'agit plus d'apprendre à utiliser des machines dont l'ergonomie très intuitive fait qu'on les apprendra plus vite par des approches empiriques et intuitives que par la lecture exhaustive de longs modes d'emplois (c'en est fini à cet égard de l'étapisme), il faut enseigner à s'y mouvoir, s'y exprimer, juger et faire usage de raison...  et me semble-t-il sans se laisser envahir ni absorber dans la course sans fin derrière un "progrès technologique" toujours en accéléré, être en mesure de désigner puis d'enseigner des connaissances permettant à chacun de décoder et d'expliciter...
Faire de l'école le lieu du recul de la mise à distance, de l'essai protégé... redonner sa place au doute, à la vérification, au rationnel, à la valeur de l'information dont la crédibilité ne peut être évaluée que par une très bonne culture générale qui puisse alerter l'individu sur le "possible" ou l'impossible", l'argument ou la manipulation...
Le "hoax" étant l'un des pires virus de la démocratie...
Plus que jamais nous avons besoin d'Héraclite (« À ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux.") et de la sagesse des philosophes...

Nous devons renouer avec le temps contre l'urgence...

Plus loin, l'impact sur nos façons de penser et donc d'apprendre doit être mieux étudié.
Le numérique modifie notre comportement, nos réflexes, nos modes de communication.


Sans renier le passé, il y a à changer de paradigme... et  à associer d'abord dans une réflexion ouverte, pédagogues, didacticiens, cognitivistes, sociologues et sages...

samedi 1 septembre 2012

poésiemômes

Dans ce petit blog se glisseront quelques textes d'hier ou d'aujourd'hui destinés aux enfants...

vendredi 3 août 2012

notations...

Au creux de l'été où l'attention aux choses du métier se fait plus distanciée, j'observe :
- que les supermarchés sont déjà prêts et paradent avec leurs rayons en vue de la rentrée scolaire... et je me dis que cette accélération n'est pas bonne. 
Laissons à nos enfants habiter le temps des vacances et sans peur jusqu'au temps de l'ennui ... mais alors, à l'ombre des arbres, glissons leur des livres ou contons leur des histoires, sans chercher à les interroger ou les questionner, car la lecture doit justement être ce plaisir libre, gratuit, que l'on prend pour soi quand on le veut, avec délectation, dans l'intimité... Mais parent, si tu veux un enfant lecteur et lisant, lis donc aussi et crée ce calme climat propice à l'entrée en lecture !
Et donnons leur à voir, si ce ne peut être des paysages nouveaux, quelques images nouvelles, expositions, jardins... il suffit de peu souvent pour trouver de quoi alimenter et ouvrir l'esprit...

- avec un rien de désarroi, un enfant de la famille auquel sa maîtresse a confié de toute urgence la tâche "d'apprendre ses tables de multiplication"... Sans du tout lui dire comment ni avec quels outils. Nous avons découvert avec lui les joies de la table de Pythagore, montré les relations entre les nombres et qu'il en savait plus qu'il ne pensait... mais madame la maîtresse vous auriez pu aider l'enfant et ne pas le mettre en inquiétude...

- et puis je lis des commentaires à propos du nouveau ministre lequel à peine installé est déjà soumis à la critique. Sans jouer les flagorneurs, qu'on le laisse un peu prendre les commandes du grand navire. Il a préparé ses dossiers, sa réflexion est bien avancée, ses projets cohérents. Je ne sais pourquoi, je pense soudainement à Alain Savary. Ministre de l’Éducation, à une période emblématique, homme de nuances et bien plus que ne le pensent certains esprits chagrins, il n'est pas parvenu au bout de son œuvre alors qu'il avait pu lancer des projets importants notamment parce qu'on lui savonna quelque peu la planche. Il ne faudrait pas que la compétence d'un ministre préparé de longue haleine à sa mission se voit opposer des raccourcis dommageables...

- le ministre justement nous parle de "morale laïque", ce qui fera débat, et nous avons besoin de débats nourris de connaissances.... L'actualité vient nous inviter à donner de la matière à ce que pourrait être un temps consacré à la morale laïque : ici la compatibilité supposée ou non d'une pratique religieuse personnelle avec l'exercice d'une mission éducative et de surveillance, ailleurs sur les réseaux sociaux, comment réagir face à des tweets xénophobes ou plus loin, les valeurs du sport pour le vivre ensemble, le développement personnel... toute cette actualité ne devant pas servir à instrumentaliser ou simplement alimenter des généralités mais devant être reliée par le maître à l'Histoire, à la philosophie, aux connaissances d'une manière générale, connaissances dont le maître doit pouvoir montrer que l'utilité première est d'aider à questionner et comprendre un peu mieux le Monde, de s'émanciper de ses préjugés pour oser un point de vue de citoyen libre et raisonnable, individuel et solidaire...
Bonnes vacances !

dimanche 15 juillet 2012

des rythmes scolaires...

Depuis des lustres on ne cesse d'évoquer la question des rythmes à l'école, question qui ne peut s'approcher qu'avec une vision systémique incluant les contraintes biologiques, cognitives, sociales, économiques...
Le constat initial actuel est clair : quatre longs jours concentrant tout créent un déséquilibre, accru par l'aide personnalisée et un nombre réduit de journées... déséquilibre qui affecte élèves et maîtres.
Les vacances aussi pourraient se répartir mieux en accordant plus de jours en hiver.
Plusieurs points complexes seront à traiter...
Peut-on concevoir une journée de même durée pour tous ?
Où l'on perçoit bien que le petit de deux ans et celui de onze n'ont peut-être pas les mêmes besoins.
Alors, il faudrait mieux penser l'articulation ou les passerelles possibles avec des dispositifs comme les jardins d'enfants ou les crèches...
Au demeurant, si le petit de deux ans n'a que trois ou quatre heures de classe par jour, les maîtres sont alors libres pour se rapprocher des autres classes...
Journée de classe plus courte ?
Oui, mais si l'on imagine alors le besoin de garderie et de proposer par exemple des activités culturelles, cela supposera un fort engagement des structures locales (communales, associatives..) avec outre la problématique des financements celle du contrôle.
Cela posera aussi la question des lieux et des personnes. L'école doit-elle être sanctuarisée ? Un même lieu peut-il proposer apprentissages et loisirs ?
La multiplication des adultes auprès des élèves ne risque-t-elle pas d'engendrer confusions et conflits, de favoriser la dilution de l'autorité ?
S'il y a des activités après l'école, seront-elles obligatoires ou facultatives ? Dans le deuxième cas, il y aura risque qu'échappent à ces activités les défavorisés d'une part (pour des raisons économiques) et les très favorisés qui préfèreront des activités choisies "ailleurs"...
Plus loin encore, ne serait-il pas pertinent de permettre  à l'enfant de vivre des activités de jeux libres, c'est à dire non organisées par des adultes (ce qui ne veut pas dire sans surveillance ni protection...).
Car comme le savoir, le jeu doit pouvoir se vivre comme une activité "gratuite", dont l'utilité n'est pas immédiate et vient enrichir l'expérience individuelle et sociale.
La question des rythmes est suffisamment forte et transversale pour toucher également les conceptions que chacun porte de l'école, de l'apprentissage. Elle ne saurait se détacher des questions liées à l'ergonomie comme à la structuration des apprentissages ou la construction des repères chez le jeune élève.
Elle ne saurait se penser non plus, sans une vision plus large, incluant les rythmes familiaux et les pratiques liées aux médias ( télévision, internet...) ou les types d'habitats (urbain, rural...).
Le rythme ou le poids de la journée de classe et la gestion du temps ne sont pas les mêmes dans une classe d’Épinay (93) ou en classe multi-âges dans le petit village d'Orpierre (05).
Les conflits d'intérêts seront forts, chacun aura son point de vue, ses certitudes et la réalité économique (ou en tout cas les choix faits en son nom) trancheront.
Dans cette affaire, il faudra penser local pour penser global... pas facile.

jeudi 12 juillet 2012

le retour de la pédagogie ?

Soyons honnêtes, au delà des secousses et des attaques qu'eurent à subir ceux qui pensent que la transmission des connaissances suppose une réelle prise en compte de ce qu'est l'élève, ceux que des esprits totalitaires tentèrent d'étiqueter de l'infâme appellation de "pédagogistes", il y avait depuis plusieurs mois déjà, un fléchissement du discours qui montrait  une prise de conscience de la nécessité de ne plus afficher des objectifs chiffrés comme des cibles à atteindre, une prise de conscience que pour faire bouger les lignes l'injonction d'apprendre ne suffisait pas, que le mépris et l'urgence ne pouvaient constituer une bonne technique de "management".... au moins cela se voyait-il y compris parmi de nombreux hauts responsables du ministère probablement lassés de se voir méprisés eux-mêmes dans un contexte étrange où ce fut une très petite équipe qui prétendit savoir à la place de tous.... le style présidentiel ayant fortement déteint sur les différents étages du pouvoir.

Cela aurait été presque drôle si les dégâts n'avaient été aussi significatifs : qualité de vie à l'école altérée, confiance défaite chez les maîtres et les parents, enfants inquiets très tôt d'un avenir où ils peinent à se projeter.

Les historiens de l’Éducation auront beaucoup à nous dire sur la période passée.

Il ne faudra pas que nous cédions à des représentations trop figées : non tout ne fut pas si rose "avant" pas plus que tout ne fut noir sous le dernier quinquennat - les gens ont travaillé dans les écoles, avec courage -   , non tout n'est pas qu'affaire de moyens, non ce n'est pas plus la faute aux uns ou autres... Nous sommes parfois consommateurs de notre propre système... 

Mais toujours devant nous ce constat de l'échec qui frappe un élève sur cinq et le condamne à quitter l'école sans diplôme. Un sur cinq c'est beaucoup même dans une classe de vingt. C'est beaucoup plus quand le contexte social est difficile.

Alors voici le temps de la refondation
Refonder l'école de la République suppose que l'on va s'attaquer à l'ensemble du bâtiment et reprendre autre chose que la couleur des murs ou la façade.
En période de crise l'ambition pour légitime qu'elle soit, est forte.

La concertation, le consensus attendus devront ensuite se traduire dans le concret avec l'enjeu de pouvoir agir tôt pour ceux qui sont déjà dans la difficulté comme dans la durée...

On aimerait que les médias suivent un peu plus activement ces débats... au delà de la question des rythmes scolaires (au demeurant fondamentale) .

Les premiers résultats du bac viennent nous montrer que l'examen se réussit plutôt bien et progresse sauf pour les élèves présentant un bac professionnel.Mais il ne faut surtout pas oublier d'aller regarder combien de jeunes d'une classe d'âge passent effectivement ce bac. Nous étions en 2009 à environ 64% dont seulement 80% environ ont réussi le diplôme... et l'on ne progresse plus depuis 95.
Et cela nous renvoie donc à nos élèves sortis sans qualification, nos élèves "prioritaires" vers lesquels toute notre attention devrait être tournée...

Il nous faut une école exigeante et généreuse, une école qui enseigne mais sache aussi enseigner ses codes et son langage à ceux qui n'ont pas la chance d'y accéder au sein de leur propre famille, une école qui enseigne, transmette un patrimoine commun et passe plus de temps à le faire qu'à évaluer des acquis construits ailleurs.

De nombreux atouts sont là. Mais il faudra de la confiance partagée. Il faudra une formation solide. Une formation qui ne jargonne pas, qui admette la difficulté d'apprendre, qui donne au maître la possibilité d'approcher les "enjeux didactiques" de ce qu'il doit enseigner en fonction des élèves qu'il a devant lui ...

Il faudra une école qui ne confonde pas morale privée et valeurs républicaines partagées, une école où l'on valorise la connaissance dans ce qu'elle permet de s'émanciper, mais aussi dans ce qu'elle ouvre en nous sans se limiter à une vision utilitariste du savoir.

Il faut que l'on redonne le goût du savoir, pour en montrer les délices... que l'on excite et valorise la curiosité de nos élèves, qu'on leur révèle peu à peu des secrets qu'ils ne voyaient pas, qu'on leur permette de prendre des initiatives, de s'essayer, d'oser s'emparer d'espaces divers de la connaissance et de la culture, qu'ils écrivent, réfléchissent, raisonnent, expérimentent et tout cela sans risque d'être jugé ou de se tromper, sans le risque de se sentir exclus d'un monde qui leur serait par trop étranger...

Oui, il faut des efforts pour apprendre, mais quel bonheur vient alors !
Oui, il faut parfois apprendre par cœur, mais en apprenant à apprendre "intelligemment" (car il n'est pas de petit savoir)  et en comprenant ce bonheur et cette liberté qu'il y a ensuite toute sa vie à puiser dans sa mémoire pour s'aider à choisir ou pour mieux savoir chercher, se sortir d'affaire...

Oui, il faut comprendre, et cela s'apprend pas seulement par un questionnaire qui vient "vérifier"...

Oui, il faut évaluer (donner de la valeur à ), mais fi des notes globales, des notes moyennes, des classements réducteurs...

Oui il faut à la fois du temps et être soutenu dès que cela coince...

Oui, on doit pouvoir apprendre sans être pénalisé par son origine ou ses parents et ceux-là doivent être reconnus et accueillis tous dans une égale dignité qui ne sera jamais ternie par une quelconque condescendance caritative ou un jugement sur le modèle éducatif privé.

 Edgar Morin parlait autrefois de "démocratie cognitive". Car le savoir doit donner du pouvoir. Non pas du pouvoir sur les autres mais celui de choisir, de se vivre en citoyen "éclairé"...

Sommes-nous prêts à relever ces défis ?

La lucidité nous oblige au devoir d'optimisme. Parce que si cela va mal, il faut justement changer.


dimanche 8 avril 2012

travailler la compréhension

Dès la maternelle où il s'agit de donner les clés et d'aller à la chasse aux implicites, aux allusions... au cours préparatoire où il ne faudrait pas que l'enfant pense que lire consisterait en l'observation commentée d'une image accompagnant un texte à décoder, le travail de la compréhension doit se poursuivre... sans se limiter au cycle 3 à la réponse à des questionnaires qui n'enseignent pas la compréhension mais la contrôlent et souvent de façon fragmentaire.
Comprendre un texte c'est en quelque sorte l'envisager comme une situation problème : contexte, enjeux, implicites... il faut que le maître qui souhaite faire comprendre un texte s'engage dans un travail préalable dit de "lecture experte", c'est à dire, se montre capable lui-même de pointer tout à la fois les enjeux culturels du texte mais également les obstacles à son appropriation : construction spécifique, connecteur, usage d'un pronom... cette exploration est rarement proposée par les manuels.
La question de la progressivité se pose également en évitant l'excuse du "tu comprendras quand tu seras plus grand"... parce que l'école doit justement être ce lieu où l'on ose dévoiler à l'enfant les secrets du savoir caché.
Le rôle de l'école, contre tout élitisme, c'est d'offrir à tous ce que d'autres voudraient laisser aux "happy few".
Comme toujours, notre combat, c'est faire que l'école ne soit pas le lieu ou la connivence préserve d'un vrai partage de la connaissance, mais devienne un lieu d'émancipation


samedi 3 mars 2012

de la mémorisation

La mémorisation n'est pas une fin en soi. Cependant, le travail de la mémoire possède au moins deux avantages :
Une mémoire entrainée et qui permet de faire appel à des informations utiles libère lors de la résolution de problèmes.
Si mon attention est centrée sur la résolution d'un produit simple et m'oblige à des manipulations, des dessins, des recherches, je perds de vue le problème sur lequel je travaille. 

 Une mémoire entraînée permet aussi d'éveiller la vigilance intellectuelle. C'est le "ça me dit quelque chose"...ou le "c'est pas normal"... c'est l'expérience et la construction culturelle.

Si je n'ai jamais appris "1515", lorsque je lirai un texte qui évoque la date historique, il se peut que je passe à côté d'une allusion, d'une référence, d'un implicite et que je ne comprenne que partiellement ce que je lis...
Si je n'ai pas "le mot" dans mon dictionnaire mental, son seul déchiffrage ne me permettra pas de comprendre. 

Notre mémoire agit comme un écho intérieur  capable de réactiver une démarche, une attente....

Le numérique, ne pourra pas se substituer de façon économique à notre "mémoire intérieure et personnelle" (ce qui n'obère en rien ses qualités propres). Il pourrait même créer une dépendance idiote. J'en veux pour preuve le recours à la calculette pour des additions simples...

Mémoriser, n'est pas la clé de tout, mais c'est un acte indispensable qui ne mérite aucun mépris.
Cela reste enfin une bonne gymnastique de l'esprit dont nos neurones ne peuvent que tirer bénéfice.

Pourtant, posé cela, la mémoire reste singulièrement mal traitée à l'école et au collège et son travail différé trop souvent après la classe, à la maison...