jeudi 12 juillet 2012

le retour de la pédagogie ?

Soyons honnêtes, au delà des secousses et des attaques qu'eurent à subir ceux qui pensent que la transmission des connaissances suppose une réelle prise en compte de ce qu'est l'élève, ceux que des esprits totalitaires tentèrent d'étiqueter de l'infâme appellation de "pédagogistes", il y avait depuis plusieurs mois déjà, un fléchissement du discours qui montrait  une prise de conscience de la nécessité de ne plus afficher des objectifs chiffrés comme des cibles à atteindre, une prise de conscience que pour faire bouger les lignes l'injonction d'apprendre ne suffisait pas, que le mépris et l'urgence ne pouvaient constituer une bonne technique de "management".... au moins cela se voyait-il y compris parmi de nombreux hauts responsables du ministère probablement lassés de se voir méprisés eux-mêmes dans un contexte étrange où ce fut une très petite équipe qui prétendit savoir à la place de tous.... le style présidentiel ayant fortement déteint sur les différents étages du pouvoir.

Cela aurait été presque drôle si les dégâts n'avaient été aussi significatifs : qualité de vie à l'école altérée, confiance défaite chez les maîtres et les parents, enfants inquiets très tôt d'un avenir où ils peinent à se projeter.

Les historiens de l’Éducation auront beaucoup à nous dire sur la période passée.

Il ne faudra pas que nous cédions à des représentations trop figées : non tout ne fut pas si rose "avant" pas plus que tout ne fut noir sous le dernier quinquennat - les gens ont travaillé dans les écoles, avec courage -   , non tout n'est pas qu'affaire de moyens, non ce n'est pas plus la faute aux uns ou autres... Nous sommes parfois consommateurs de notre propre système... 

Mais toujours devant nous ce constat de l'échec qui frappe un élève sur cinq et le condamne à quitter l'école sans diplôme. Un sur cinq c'est beaucoup même dans une classe de vingt. C'est beaucoup plus quand le contexte social est difficile.

Alors voici le temps de la refondation
Refonder l'école de la République suppose que l'on va s'attaquer à l'ensemble du bâtiment et reprendre autre chose que la couleur des murs ou la façade.
En période de crise l'ambition pour légitime qu'elle soit, est forte.

La concertation, le consensus attendus devront ensuite se traduire dans le concret avec l'enjeu de pouvoir agir tôt pour ceux qui sont déjà dans la difficulté comme dans la durée...

On aimerait que les médias suivent un peu plus activement ces débats... au delà de la question des rythmes scolaires (au demeurant fondamentale) .

Les premiers résultats du bac viennent nous montrer que l'examen se réussit plutôt bien et progresse sauf pour les élèves présentant un bac professionnel.Mais il ne faut surtout pas oublier d'aller regarder combien de jeunes d'une classe d'âge passent effectivement ce bac. Nous étions en 2009 à environ 64% dont seulement 80% environ ont réussi le diplôme... et l'on ne progresse plus depuis 95.
Et cela nous renvoie donc à nos élèves sortis sans qualification, nos élèves "prioritaires" vers lesquels toute notre attention devrait être tournée...

Il nous faut une école exigeante et généreuse, une école qui enseigne mais sache aussi enseigner ses codes et son langage à ceux qui n'ont pas la chance d'y accéder au sein de leur propre famille, une école qui enseigne, transmette un patrimoine commun et passe plus de temps à le faire qu'à évaluer des acquis construits ailleurs.

De nombreux atouts sont là. Mais il faudra de la confiance partagée. Il faudra une formation solide. Une formation qui ne jargonne pas, qui admette la difficulté d'apprendre, qui donne au maître la possibilité d'approcher les "enjeux didactiques" de ce qu'il doit enseigner en fonction des élèves qu'il a devant lui ...

Il faudra une école qui ne confonde pas morale privée et valeurs républicaines partagées, une école où l'on valorise la connaissance dans ce qu'elle permet de s'émanciper, mais aussi dans ce qu'elle ouvre en nous sans se limiter à une vision utilitariste du savoir.

Il faut que l'on redonne le goût du savoir, pour en montrer les délices... que l'on excite et valorise la curiosité de nos élèves, qu'on leur révèle peu à peu des secrets qu'ils ne voyaient pas, qu'on leur permette de prendre des initiatives, de s'essayer, d'oser s'emparer d'espaces divers de la connaissance et de la culture, qu'ils écrivent, réfléchissent, raisonnent, expérimentent et tout cela sans risque d'être jugé ou de se tromper, sans le risque de se sentir exclus d'un monde qui leur serait par trop étranger...

Oui, il faut des efforts pour apprendre, mais quel bonheur vient alors !
Oui, il faut parfois apprendre par cœur, mais en apprenant à apprendre "intelligemment" (car il n'est pas de petit savoir)  et en comprenant ce bonheur et cette liberté qu'il y a ensuite toute sa vie à puiser dans sa mémoire pour s'aider à choisir ou pour mieux savoir chercher, se sortir d'affaire...

Oui, il faut comprendre, et cela s'apprend pas seulement par un questionnaire qui vient "vérifier"...

Oui, il faut évaluer (donner de la valeur à ), mais fi des notes globales, des notes moyennes, des classements réducteurs...

Oui il faut à la fois du temps et être soutenu dès que cela coince...

Oui, on doit pouvoir apprendre sans être pénalisé par son origine ou ses parents et ceux-là doivent être reconnus et accueillis tous dans une égale dignité qui ne sera jamais ternie par une quelconque condescendance caritative ou un jugement sur le modèle éducatif privé.

 Edgar Morin parlait autrefois de "démocratie cognitive". Car le savoir doit donner du pouvoir. Non pas du pouvoir sur les autres mais celui de choisir, de se vivre en citoyen "éclairé"...

Sommes-nous prêts à relever ces défis ?

La lucidité nous oblige au devoir d'optimisme. Parce que si cela va mal, il faut justement changer.